Témoignages du personnel de Plan à Tawila, où arrivent des civil·es en provenance d'El Fasher :
« Il est difficile de voir les familles arriver à Tawila. Le trajet depuis El Fasher est de 65 kilomètres. Il faut deux jours à ces familles pour parcourir cette distance à dos d'âne, et jusqu'à cinq jours pour celleux qui marchent. La plupart des familles arrivent la nuit, contraintes de voyager à la tombée du jour en raison du risque de mort ou d’enlèvement pendant la journée. Cependant, la nuit n'offre pas non plus beaucoup de sécurité, ce qui rend beaucoup d'entre elles vulnérables.
La situation sur les routes est terrible, avec des cadavres partout. D'autres sont également blessé·es, principalement par balle, et ne peuvent pas obtenir l'aide dont ils ont besoin. Beaucoup de familles que nous rencontrons et avec lesquelles nous discutons n'ont pas eu accès à de la nourriture depuis plus d'un an et, après avoir marché, arrivent dans des conditions désastreuses.
Nombre d'entre elles arrivent blessé·es, souffrant de blessures par balle et épuisé·es d'avoir porté leurs proches pendant des jours. Ce sont les femmes, les enfants et les personnes en situation de handicap qui ont le plus souffert. Il est déchirant de les voir s'effondrer dès leur arrivée dans les camps. Nous sommes obligé·es d'emmener beaucoup d'entre elleux directement à l'hôpital avant même qu’ils ne soient enregistré·es dans les camps.
En tant que membres du personnel, certain·es de nos proches sont également touché·es par cette crise à El Fasher. Certain·es arrivent sain·es et sauf·ves à Tawila. D'autres, nous ne savons toujours pas où ils se trouvent. L’un·e de nos collègues a vu son père et son frère se faire enlever. Nous ne savons toujours pas ce qu’ils sont devenu·es. Ces derniers jours ont été difficiles pour beaucoup d’entre nous.
Les hommes et les garçons sont particulièrement exposés aux risques d'enlèvement, de détention, d'exécution sommaire et de torture.
Ce qui m'a le plus marqué·e, c'est de voir arriver les familles. Beaucoup d'entre elles sont méconnaissables. Après avoir lutté pendant des mois pour trouver de la nourriture et de l'eau, ils doivent maintenant marcher pendant des jours pour fuir le conflit. Ils sont épuisé·es et affamé·es. À moins qu'ils ne vous appellent par votre nom, vous ne pouvez pas les reconnaître.
Il n'y a également aucune communication entre les familles, si bien que beaucoup campent sur les sites, dans l'espoir que leurs proches arrivent. Il est déchirant de voir et d'entendre leur désespoir.
Les familles nous ont dit qu’elles ne se sentaient pas en sécurité. Beaucoup de celleux que nous accueillons avaient initialement déménagé à El Fasher après l'attaque de Zamzam le 15 avril, et ont dû quitter El Fasher à nouveau à partir du 27 octobre. Ils disent qu’ils ne sont pas sûr·es que Tawila soit un endroit sûr pour elleux. Ils sont frustré·es de ne pas pouvoir trouver le repos.
Personne ne dort. Nous n’avons pas pu dormir depuis que cela a commencé.
En tant qu’humanitaires, nous restons fort·es, conscient·es que nous devons réagir malgré les défis. Nous nous concentrons sur les solutions et non sur les obstacles.
Ces témoignages ont été anonymisé·es afin de protéger l'identité des membres du personnel, car les attaques contre les ONG internationales au Soudan se multiplient.